Thérapie 1

Samedi. 14h. Ca faisait bien longtemps que je n'avais pu venir la voir. Entre gueule de bois, week-ends en dehors de Paris, obligations professionnelles et autres oublis des rendez-vous pris avec elle, je n'avais pas revu ma psy depuis des semaines.
- Je vous trouve une mine fatiguée. Vous n'avez pas le moral n'est-ce pas ?
- Ah bon ? Je ne sais pas. Peut être. Comme tout le monde, j'ai des coups de blues.
- Et que faîtes vous dans ces cas là ?
- Ca dépend. Je ne sais pas. Parfois, je m'imagine comme dans ces films où un type banal vivant dans un appart' banal a une vie extremement glamour, excitante et romantique.
- C'est à dire ?
- Comme dans ces films américains, vous savez ? Un type qui vit à New York dans un petit appartement. Il bosse, il voit ses amis, il va au resto, bref, il fait ce que nous faisons tous, tous les jours. Mais la différence c'est qu'on est en admiration devant lui. Pourtant il a la même vie que nous ! Mais le fait de le voir sur un écran change notre perception. Alors je me projète comme dans un film. Je repense à ses films qui me faisaient rêver, et je me dis "Quelle chance d'habiter dans cet appartement. De vivre à Paris. De bosser dans une telle multinationale".
- Intéressant. Mais généralement, les héros de cinéma vivent dans des appartements sublimes, ont des voitures de luxe et leurs femmes sont des mannequins.
- Pas toujours. Prenez "Alfie" avec Jude Law. Pas le meilleur film, je vous l'accorde. Mais l'effet est prodigieux. C'est l'histoire d'un type qui vit à New York. Dans un studio plutôt banal. Il est chauffeur. Quand je vous l'explique comme ça, cela vous fait-il rêver ?
- Pas tellement en effet !
- Avez vous vu ce film ?
- Je m'en souviens oui.
- Comment avez vous trouvé Alfie ?
- Incroyablement irrésistible !!!
- Et voilà ! Qu'est-ce que je vous disais ?!
- Oui mais de toute façon, il est absolument CA-NON, lui !
- Ah... Oui... Oui vu comme ça. Je n'avais pas pensé à ça sous cet angle là. Remarquez, il aurait été moche, cela n'aurait rien changé. Le réalisateur l'aurait alors présenté comme un homme profond, intelligent, charmant et surtout terriblement attendrissant.
- Et ça marche ? Avez vous le moral en vous imaginant ainsi ?
- Oui. Une heure. Deux heures maxi !
- Pas très efficace.
- Non c'est sur mais c'est déjà ça. Sinon, je me suis acheté un nouvel appartement dans lequel je souhaitais faire des feux de cheminée. Rien de plus apaisant que de passer la soirée devant la cheminée !
- Et cela vous a-t-il aidé ?
- Euh... En fait non : je me suis rendu compte que la cheminée ne fonctionne pas !
- Ah ! Dommage en effet. Que faîtes vous alors ?
- Je repense à mon désir de femme mûre assouvi en imaginant que vous et moi faisons l'amour fougueusement sur ce canapé !