Lendemain difficile.
Vendredi. 10h26. A peine ai-je mis le pied hors de l'ascenceur, que j'entends déjà le boss de Charles (mon supérieur) crier à travers tout le plateau. Tout le monde s'est interrompu pour se retourner vers lui. Quand une gueulante démarre, personne ne veut rater ça (c'est l'inconvénient majeur des open-spaces. Outre le fait que tout le monde peut mater sur quels sites vous surfez au lieu de bosser, il y a en permanence un public pour assister aux engueulades subies). A part la victime bien sur.
- Mais on est où là bordel de merde ? Où est-ce qu'elle se croit ? C'est intolérable.
J'avance petit à petit le long du couloir vers mon bureau.
- Je commence à en avoir plein le dos de vos délirs d'étudiants immatures !
Discrètement, je pose ma sacoche et m'installe derrière mon écran de PC. Mon N+2 est rouge de rage. Charles, assis sur un coin de bureau, hoche la tête à chaque affirmation criée.
- Ca suffit maintenant ces conneries. Est-ce qu'on va avoir droit à ce bordel tous les vendredis matin ? On croit rêver ! Ils seraient temps de grandir. Ce n'est pas l'Ecole de Commerce ici ! Va me la chercher immédiatement.
- C'est à dire que... tente timidement mon responsable.
- C'est à dire quoi ? lui réplique du tac au tac son supérieur.
- Elle est encore à l'infirmerie. Je ne sais pas si elle est en état de monter.
- C'est une blague ? demande-t-il avec une voix soudainement devenue très calme. Pas en état de monter ? Va me la chercher par la peau du cul s'il le faut ! hurle-t-il de plus belle, la bouche grand ouverte au milieu de plaques rouges qui, sous la colère, se sont formées très distinctement sur le front et sur le cou.
Vendredi. 10h55. Virginie est affalée sur son bureau. Ses fesses glissent lentement mais surement vers le bout de son fauteuil. Un bras balance dans le vide tandis que l'autre joue les coussins sous sa tête et ses épaules. Le calme est alors revenue sur le plateau. Notre N+2 a préféré partir boire un café avant de la convoquer. Tout à coup Virginie esquisse un léger mouvement sur le côté. Ses fesses reviennent vers le fond du fauteuil mais sa tête recule vers le vide. A présent, seul son front - appuyé sur le rebord du bureau - l'empeche de laisser sa tête s'effondrer sur ses genoux. Quand soudain un spasm l'incite à se redresser subitement. Sans réfléchir, elle tourne le visage vers la poubelle. Trop loin. Elle jete aussitôt son corps de toutes ses forces pour l'atteindre. Trop loin. Trop tard. Elle vomit avant même de pouvoir viser la poubelle.
Il est 11h01 quand Virginie a vomi - tout l'alcool ingurgité la veille dans l'une de ses soirées étudiantes qu'elle n'arrive toujours pas à abandonner - sur la moquette, son sac à main, un dossier échoué ici dans sa chute, son fauteuil, un document signé et faxé par un client, sa veste et son tailleur.
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