Au complet

Mercredi. 17h. Un coup de massue. Non. Un coup de grâce plutôt. Au milieu d'une cinquantaine de personnes venues assister aux funérailles sont réunis Penelope Cruz, Antoine et bien sur Maeva. Ça fait beaucoup pour une seule journée. Beaucoup d'émotion pour un seul jour. Entre la tristesse de voir partir définitivement la grand mère de Maeva, la rage de voir cette dernière aux bras d'Antoine et le malaise de retrouver Pen - non sans une pointe de regret - je dois faire preuve de beaucoup de courage pour ne pas me tirer illico-presto. Mais comment quitter prématurément la cérémonie à la mémoire d'une femme qui a beaucoup compté pour moi ? Mon départ ne passerait pas inaperçu non plus auprès de Maeva qui se conforterait dans l'idée que je suis un sale con !

Je n'ose pas me montrer face à Penelope. J'essaie de l'éviter en espérant qu'elle ne m'ait pas déjà repéré. Ce matin, j'ai aperçu la une de Voici sur la façade de la Maison de la Presse. Penelope y est présentée aux bras d'un type pendant la soirée post-Oscars, avec la mention "Nouvelle idylle pour Pénélope ?". Je me souviens d'avoir vu cet homme la veille chez Armani. Info ou intox ? J'essaie tant bien que mal de me convaincre que ce ne sont que des conneries. Mais je ne peux m'empêcher de me demander si elle est bien sortie avec lui. J'irai bien lui demander. Seulement, cela implique d'inévitables questions sur mon départ précipité. Ainsi que sur ma présence ici. Puis d'autres de la part de Maeva pour lui expliquer ma relation avec Pen. A choisir, j'ai tout intérêt à continuer de me cacher au milieu de la foule ébahie par la présence d'une vedette hollywoodienne aux obsèques. C'est minable, oui. Mais un petit instant de lâcheté n'a jamais tué personne.

L'objectif est donc de glisser un petit mot de réconfort et d'encouragement à l'oreille de Maeva, tout en évitant de croiser le champ de vision de Pen. Je joue alors à un improbable cache-cache entre les colonnes de l'église, les gens et les arbres du cimetière. Pas facile compte tenu de...
- Salut Huggo, me dit Antoine arrivé discrètement derrière moi.
Décidément, il a le don d'agir dans mon dos celui là. En traître. A force de me focaliser sur Pen, j'en ai oublié ce trou du cul.
- Salut Antoine.
- Ça va ?
- Ouais bien sur ! Ça va super bien. J'adore les enterrements, surtout lorsqu'il s'agit de personnes qui comptent beaucoup pour moi !
- Oui, je comprends. Désolé. Elle comptait aussi beaucoup pour moi.
Qu'est-ce qu'il me raconte ce trou du cul ? D'où il l'a connaît, la vieille ? Une furieuse envie de lui coller une baffe m'envahit.
- Et sinon quoi de neuf mon vieux ? poursuit-il.
Il m'énerve. Son air supérieur. Son jeu de comédien zen et faussement concerné par l'évènement qui nous réunit. Sa prétendu amitié pour moi. Son regard de séducteur raté. Tout chez lui me fout hors de moi.
- Excuse moi 'vieux', lui fais-je.

Je sors l'iPhone de ma veste et fais montre de recevoir un appel pour ne pas prolonger plus longtemps cette conversation futile. C'est minable, oui. Mais je ne peux pas me permettre d'envoyer se faire foutre ce connard sans risquer de me faire remarquer par Maeva et Pen ou, pire, de créer un scandale à l'enterrement.