Débriefing de Fabienne.
Samedi. 17h50.
- Fabienne, c'est Huggo !
- T'es dingue de m'appeler à cette heure ?
- Fais pas chier. Il ne doit pas être loin de midi en France !
- Justement ! Je dors moi !
- Il parait que Maeva est enfermée chez sa grand mère depuis trois jours !
- Je sais. Elle ne va pas bien du tout : elle se tape une grosse dépression.
- Comment ça "tu sais" ?
- Ba je sais !
- Et tu ne m'as rien dit ?
- Putain Huggo, combien de fois tu m'as demandé de ne plus te parler d'elle ? Et toi, comment tu l'as appris ?
- Aucune importance. Je sais, c'est tout. Tu es allée la voir ?
- J'ai essayé mais elle ne m'a pas répondu. Un voisin m'a ouvert. J'ai tapé sur la porte pendant plus d'une heure. Jusqu'à ce que j'entende un bruit sourd. Je lui ai alors demandé de faire sonner mon portable pour que je sache au moins si elle était en vie !
- Et ?
- Et elle m'a téléphoné. Pas le temps de répondre. Dès qu'elle a entendu ma sonnerie de l'autre côté de la porte, elle a raccroché. Je lui ai donc fichu la paix. Je suis partie. J'ai simplement déposé un sac de bouffe devant sa porte. Je vais y retourner aujourd'hui pour voir au moins si elle l'a pris. Tu t'inquietes pour elle maintenant ?
- Arrêtes ! Et son boulot ?
- Elle n'y a pas mis les pieds.
- Mais comment vous avez su pour sa grand mère ?
- Antoine devait passer chez elle récuper quelque chose. Elle n'y était pas. Et comme il n'arrivait pas à la joindre, il a alors demandé à sa soeur, qui m'a ensuite téléphoné pour me demander si je savais où elle était. Au bout de deux jours, personne ne l'avait vu au bureau alors je suis allé chez sa grand mère. A l'odeur, j'ai compris. Et puis, comme je te le disais, j'ai croisé un des voisins qui m'a dit avoir prévenu Maeva du décès de sa grand mère. Il lui a ouvert la porte avec la gardienne il y a trois jours. Je n'en revient toujours pas que tu m'appelles pour savoir tout ça !
- Qu'est-ce que cela a de si étonnant ?
- Huggo !
- Quoi ?
- Tu l'as complètement délaissée. Tu t'es foutue de sa gueule. Elle était malheureuse et toi...
- N'importe quoi ! Elle n'a jamais...
- ... tu l'enfonçais. Jamais tu n'a répondu à ses appels. Jamais tu n'a pris de ses nouvelles. Jamais tu n'es allé la voir. Tu étais tout pour elle. Depuis des années lumières, elle est derrière toi, à chercher systématiquement ton avis, ton soutien, ton réconfort, tes conseils. Elle était dingue de toi. Mais toi, tu es tellement concentré sur ton petit nombril, sur ta petite personne, que je suis sur que tu ne t'en est jamais rendu compte. Tout le monde connaissait ses sentiments pour toi. Tout le monde je te dis ! Sauf toi. Le seul trou du cul qui ne voyait rien, c'était toi ! Que tu la rejettes comme une merde l'a rendu dingue. A s'en rendre malade. Elle ne sortais plus, faisais tout le temps la gueule, pleurait dès qu'on parlait de toi, picolait plus qu'une ivrogne. Et je t'en passe ! Une vraie déprime. Je ne l'avais jamais vu comme ça ! Tout ça pour quoi ?
- Je n'ai jamais été au courant de tout ça. Et puis ça c'est que tu penses mais...
Elle me coupe à nouveau, sans prêter attention à ce que je lui dis.
- Tout ça parce qu'elle a picolé un coup de trop pendant le week end chez Antoine ? Tout ça parce qu'elle s'est un peu lachée ? Tout ça parce qu'elle a voulu rigoler un peu ? Tu as fait une connerie mon vieux. Je ne te comprends pas. Je n'arrive pas à croire que maintenant tu te réveilles, que tu veuilles subitement des nouvelles d'elle et que tu t'en préoccupes ! Alors que j'ai tout fait cette année pour que tu la croises. Tu crois que je ne te connais pas ? Tu crois que je ne vois pas que tu l'aimes ? Mais non ! Monsieur a tout fait pour l'éviter. Monsieur préfère aller baiser des petites minettes à droite et à gauche. T'es qu'un trou du cul Hugo !
- Putain, t'es encore bourrée d'hier soir ou quoi ?
- T'as gueule, espèce de trou du cul. J'ai même pas envie de parler avec toi.
- Ecoute, je...
Un bip interrompt la conversation. Elle m'a raccroché au nez.
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